Georges Hilbert
Jeune cervidé allongé c. 1930
Epreuve en bronze, sans numéro de tirage
Fonte au sable Alexis Rudier
Sigle de la CAF : Compagnie des Arts Français
Signé : Hilbert
H. 28 ; L. 36 ; P. 14 cm
Littérature en rapport :
- Florence Camard, Süe et Mare et la Compagnie des arts français, Editions de l'Amateur, Paris, 1993, p.151-153.
- Thierry Roche, Dictionnaire biographique des sculpteurs des années 1920-1930, Beau fixe, Lyon, 2007, p. 220-221.
Fils d’un médecin vétérinaire, Georges Hilbert étudie successivement la sculpture aux Beaux-Arts d’Oran, à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, et à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Une fois installé dans la capitale française, il fréquente le Jardin des Plantes, lieu d’inspiration essentiel pour les sculpteurs animaliers – tel François Pompon (1855-1933), ou Antoine-Louis Barye au siècle précédent. Il prend pour modèle les animaux de la ménagerie, et travaille de manière particulièrement assidue.
Dans le Jeune cervidé allongé, Hilbert retranscrit l’animal avec naturel, au repos. Le regard paisible et attentif, le cervidé replie en partie ses pattes sous lui, tandis que sa tête, couronnée de courts bois, s’incline légèrement vers le corps. Hilbert manifeste ici son goût pour les formes simplifiées et épurées, d’une grande densité formelle, qu’il puise à différentes sources d’inspiration.
- La première d’entre elles est sans conteste la sculpture antique égyptienne[1], dont il est un fervent admirateur et qu’il a pu étudier en 1930, lors d’un voyage en Egypte. Le Jeune cervidé allongé s’en approche par son allure sobre, ainsi que par l’aspect lisse et ramassé de l’animal, qui trouble le spectateur par son air impassible.
- Hilbert s’inspire également de l’art de Pompon, auquel il emprunte la stylisation intense des formes animales, dépourvues de détails pittoresques. A l’instar de Pompon, il pratique volontiers la taille directe, et n’a que plus rarement recours à la fonte[2].
- Hilbert se laisse certainement aussi influencer par le travail du sculpteur espagnol Mateo Hernandez (1884-1949), installé à Meudon depuis 1913. Hernandez réalise en 1925 une Biche couchée ou Daim[3], conservée au musée d’art et d’industrie – André Diligent à Roubaix, dont la composition d’ensemble est très proche du Jeune cervidé allongé d’Hilbert. Toutefois, comparés à la sculpture d’Hernandez, les formes de l’œuvre d’Hilbert sont plus fines, et son modelé plus souple.
On recense plusieurs œuvres de Georges Hilbert dans les collections publiques nationales : le Musée national d’art moderne conserve une Tête bouledogue[4], et le Fonds national d’art contemporain a acquis une Panthère[5], un Ara[6], ainsi qu’une Tête d’antilope[7], directement auprès de l’artiste. Aux États-Unis, les collections du Metropolitan Museum of Art comptent un Pécari [8].
L’ensemble de ces œuvres est en pierre, tout comme un Jeune Cerf[9] en granit gris aujourd’hui conservé par le musée du Petit Palais. Ce Jeune Cerf, acquis en 1934 par la Ville de Paris[10], est en tous points identiques au nôtre, à l’exception de sa taille, qui est deux fois plus grande.
Il existe également des dessins de l’artiste représentant un cervidé : l’un intitulé Tête de jeune cerf, est offert par Hilbert au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1934 ; un autre intitulé Cerf, montrant l’animal au repos dans la même pose que dans la sculpture, est conservé au musée national des Beaux-Arts d’Alger (Inv. IG1137) depuis 1929.
L’ensemble de ces éléments permet de dater notre Jeune Cervidé allongé du début des années 1930. Une fois son œuvre acquise par une institution, Hilbert a certainement voulu organiser la diffusion de son modèle par une édition en bronze : il aurait alors confié à la Compagnie des Arts Français (CAF) le droit d’en fondre des épreuves.
Créée en 1919 par Louis Süe et André Mare, la CAF fédère des artistes pour concevoir intégralement l’équipement d’une maison. Elle offre deux gammes à ses clients, l’une plus luxueuse, proposant des modèles uniques, la seconde réalisant un mobilier en série. En 1928, Jacques Adnet (1900-1984) prend la tête de la Compagnie des Arts Français, et en infléchit l’esthétique[11]. Le sigle de la CAF est alors modifié[12] : c’est cette estampille modernisée qui figure sur le Jeune cervidé.
Les années 1930 sont particulièrement favorables à Hilbert. En 1931, il fait partie du Groupe des Douze, réunion de sculpteurs fondée sous l’égide de François Pompon, et comptant également Jane Poupelet. Puis en 1937, il est à la fois jury et participant à l’Exposition internationale, avant de devenir membre de l’Académie des Beaux-Arts. Georges Hilbert diminue ensuite progressivement son activité de sculpteur à la fin des années 1950.
[1] Les effigies de la déesse Bastet par exemple, voir Statue de chat de la déesse Bastet, bronze, H. 0.205 m, 26e dynastie (664-525), Allemagne, Berlin, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung (SMPK), N°INV : 11385.
[2] Roche, 2007, p. 221.
[3] Mateo Hernandez, Daim ou Biche couchée, 1947, diorite, H.52 ; L. 102, 2 ; P. 56,3 cm, Roubaix, La Piscine, musée d'Art et d'Industrie - André Diligent, N°INV : AM900S.
[4] Georges Hilbert, Tête de bouledogue, grès, H. 18 ; L. 14 ; P. 22, 5 cm, 1930-1940, Paris, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, N°INV : AM 5005 S.
[5] Georges Hilbert, Panthère, pierre, H.38 ; L. : 85 ; P. : 34 cm, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Mulhouse en 1952, N°INV : 7002.
[6] Georges Hilbert, Ara, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Barentin (Seine-Maritime) en 1955, non localisé depuis 1997 (FNAC-10040139).
[7] Georges Hilbert, Tête d’antilope, granit, H.47 ; L.19 ; P. 28 cm, dépôt du Fonds national d’art contemporain à la mairie de Barentin (Seine-Maritime) en 1962, non localisée depuis 1997 (FNAC-10017808).
[8] Georges Hilbert, Un pécari, granit, H. 43, 2 ; L. 58,2; P. 22, 9 cm, 1927, New York, Metropolitan Museum of Art, N°INV : 28.214.
[9] Granit gris, H. 59 ; L. 70 ; P. 35 cm. Inv. PPS 1661. L’œuvre semble acquise lors de l’exposition au Petit Palais du « IIe Groupe d’artistes de ce temps », 21 mars-21 avril 1934. Elle a été exposée en 1953 à l’exposition Un siècle d’art français, 1850-1950, n°997 organisée au Petit Palais.
[10] « Conseil municipal de Paris », in Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, Paris, Imprimerie municipale, Année 66, n°108 du 9 mai 1947, p. 767. Toutefois, dans la base de données du musée, la sculpture n’est pas recensée.
[11] Les lignes du mobilier gagnent en austérité et sont davantage épurées, les matériaux non conventionnels succèdent aux matériaux luxueux traditionnels, voir Camard, 1993, p.152.
[12] Cette modification n’est pas mentionnée de manière explicite par Florence Camard, mais la légende de la p.153 semble le suggérer. En outre, une facture et les pages d’un catalogue de la CAF d’avant 1928 portent une estampille ornementale, une sorte de corne d’abondance stylisée, très différente du sigle de la nouvelle CAF.