Jane Poupelet
Baigneuse ou Au bord de l'eau 1911-1918
Epreuve en bronze, sans numérotation
Fonte au sable, fondeur inconnu, avant 1932
Montage et patine par Susse frères, 1970
Cachet signature insculpté par le fondeur Susse (sur le socle à droite) : J. POUPELET
51 x 20 x 40 cm
Provenance
- Atelier de l’artiste
- France, collection particulière
Bibliographie
- 1928 EXPOSITION : Jane Poupelet Dessins et Sculptures, Paris, Galerie Bernier (24 janvier-11 février), Girard Bonino, Paris, 1928, n°2, non repr. (Baigneuse 1912).
- 1930 KUNSTLER : Charles Kunstler, Jane Poupelet, Paris, Éditions G. Crès & Cie, 1930, repr., n°7 (épreuve en bronze).
- 1973 WAPLER : Vincent-Fabian Wapler, Jane Poupelet sculpteur 1878-1932, mémoire de maîtrise présenté sous la direction de Monsieur Souchal Professeur d’histoire de l’art en mai 1973, faculté des lettres et sciences humaines de Lille III, n°48, p.180-186.
- 1974 EXPOSITION : La Bande à Schnegg, musée Bourdelle, Paris, 1974, bronze, cat. 113.
- 2003 DUMAINE : Sylvie Dumaine, Les dessins de la statuaire Jane Poupelet (1874-1932), collection de dessins déposée à Roubaix, La Piscine, musée d’art et d’Industrie-André Diligent, mémoire de maîtrise sous la direction de Frédéric Chappey, Université de Lille III, 2003.
- 2005 RIVIÈRE : Anne Rivière, « Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité » », in Jane Poupelet (1874-1932), catalogue d’exposition, Roubaix, La Piscine – musée d’art et industrie André Diligent (15 octobre 2005– 15 janvier 2006) ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts (24 février – 4 juin 2006) ; Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick (24 juin – 2 octobre 2006), Paris, Éditions Gallimard, 2005, n°63, p.96, repr. (L’exemplaire de la Baigneuse ici décrit) et reproduite en couverture.
Expositions sélectives de la Baigneuse[1] (autres exemplaires)
- 1918, Paris, Petit-Palais, exposition au profit des œuvres de guerre de la SAF (Société des Artistes Français) et de la SNBA (Société Nationale des Beaux-Arts)
- 1919, Paris, Galerie Arbanère
- 1924, Cincinatti
- 1928, Paris, Galerie Bernier
- 1931, Paris, Galerie du Théâtre Pigalle, F.A.M. (Femmes Artistes Modernes)
- 1931, Paris, Grand-Palais (XXIe Salon des Artistes Décorateurs)
- 1932, Paris, Grand-Palais (XXIIe Salon des Artistes Décorateurs)
- 1933, Chicago, The Art Institute (exemplaire Porter)
- 1937, Paris, Petit Palais, juin-octobre, Les maîtres de l’art indépendant 1895-1937, salle 21, n°2 (intitulée Jeune fille se hissant, appartenant à la galerie Bernier)
- 1938, Paris, Galerie Bernier
- 1949, Périgueux, exposition Jane Poupelet
- 1974, Paris, musée Bourdelle, exposition La Bande à Schnegg, cat.113.
- 2005, Roubaix, Bordeaux, Mont-de-Marsan, exposition Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité ».
« Quelle exquise figure pour une fontaine donnerait (...) la jeune Baigneuse de Mlle Poupelet ! elle avance une jambe hésitante vers l’eau fraîche comme la Baigneuse de Falconet, mais, chez elle, le précieux raffinement du XVIIIe siècle est remplacé par une grâce robuste et pleine (...) »[2]
En 1911, année où elle crée le modèle Femme assise, Jane Poupelet est une artiste reconnue et appréciée : elle est sociétaire du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts et membre active des réseaux féministes français et américains[3] ; elle expose avec Rodin et Les Quelques [4], à la Galerie Georges Petit ; est appelée par le groupe Manès à participer à L’Exposition de la Jeune Sculpture française à Prague et Vienne. Reconnue en France et en Europe, elle fait une première percée aux États-Unis en 1911 : elle obtient le Prix Whitney Hoff pour Femme à sa toilette et participe à une exposition itinérante de la Société de peintres et de sculpteurs à Buffalo, Chicago, Saint-Louis et Boston. Son succès outre-Manche ne se démentira pas les années suivantes : le Metropolitan Museum of Art de New York acquiert sa Femme à la toilette (inv 13.192) en 1913, puis d’autres de ses œuvres entreront dans les collections publiques et privées américaines.
Baigneuse apparait dans la suite d’autres modèles féminins sculptés depuis 1907 par Jane Poupelet dont les fameuses Femme à la toilette (1907), Femme se mirant dans l’eau (1909) ou Devant la vague (1909). Grâce au corps féminin ainsi associé de manière récurrente à l’élément eau, ces créatures nous apparaissent comme des naïades des temps modernes.
Avec ces modèles féminins représentant des figures entières, la sculptrice se prête au jeu du marcottage[5]. Ici la tête de Baigneuse reprend l’Autoportrait de 1907 qui avait déjà servi pour la tête de la Femme à la toilette ; à l’inverse les Têtes en plâtre et terre cuite de la Femme se mirant dans l’eau, sont présentées indépendamment sur de petits socles. Le visage présente un traitement stylisé avec des traits harmonieux et réguliers. Rappelant les petites têtes votives grecques ou étrusques, cet autoportrait possède également un aspect décoratif grâce aux longues lignes symétriques et arrondies des sourcils ainsi qu’aux petites ondulations régulières formées par la chevelure sur le front et les tempes.
Le modelé lisse de la Baigneuse, les plans simples aux passages doux et fluides, le rythme harmonieux, l’architecture pleine et équilibrée, sont des caractéristiques que l’art de Jane Poupelet partage avec l’art antique. A l’instar des autres membres de la « Bande à Schnegg »[6], la sculptrice opte pour le calme antique en réaction à l’art exalté de Rodin. Mais le corps de la Baigneuse robuste et bien proportionné est aussi une image moderne de la femme telle qu’on la retrouve dans les figures de Charles Despiau (Le Printemps et Eve de 1923, Assia de 1936) et de Robert Wlérick Wlérick (Jeune fille se coiffant ; L’Offrande de 1937).
De toutes les figures féminines de Poupelet, celle-ci est la plus emblématique de son art. Elle est souvent exposée et mise en avant sur les couvertures des catalogues dédiés à l’artiste.
Assise au bord du socle qui matérialise le bord de l’eau (rocher, talus ou bassin), la figure se trouve dans un équilibre instable et dynamique. À travers les notions de temps et de mouvement, la tension de l’instant s’introduit dans la lecture de l’œuvre. Cette pose caractéristique de la baigneuse qui « goûte » l’eau du bout du pied est aussi celle que représente Jean-François Millet dans le Bain de la gardeuse d’oies (1863- Walters Arts Gallery, Baltimore) ou La Gardeuse d’oies (1863- musée des beaux-arts de Dijon). Au moins deux dessins de Jane Poupelet étudient cette pose : Étude pour Baigneuse s’avançant dans l’eau à la mine de plomb[7] et Baigneuse[8] ; ainsi qu’un Torse de Baigneuse en plâtre[9]. On retrouve encore une attitude comparable dans un de ses dessins de Nu féminin au bord d’une table à la plume et au lavis de brou de noix sur papier[10]…
Selon Anne Rivière, spécialiste de l’œuvre de Jane Poupelet, « une première étude en plâtre pour La Baigneuse est présentée au Salon de 1911, suivie d’un modèle inachevé en 1912 — « grande malgré ses petites proportions », écrit Apollinaire dans L’Intransigeant du 14 avril 1912. Sous le titre « Au bord de l’eau », la statuette en plâtre achevée est exposée en 1913 et ne sera fondue en bronze que pour l’exposition au profit des œuvres de guerre de la SAF et de la SNBA de 1918 au Petit-Palais. »
En l’état actuel de nos connaissances, l’édition en bronze de Baigneuse ou Au bord de l’eau compte cinq exemplaires conservés dans des musées :
- Roubaix, musée La Piscine, dépôt du CNAP, achat à l’artiste en 1918 salon du Petit Palais
- Chicago, IL The Art Institute, don de George F. Porter en 1927
- Phalsbourg, musée militaire et Erckmann-Chatrian, don en 1938, ancienne collection David Weill[11]
- Périgueux, musée d’Art et d’Archéologie du Périgord, achat de la ville en 1947
- Norman, OK, Fred Jones JR Museum of Art, don en 1969
Notre épreuve provient directement de la succession de l’artiste. Selon les archives de la famille, cette fonte a été réalisée du vivant de l’artiste, avant 1932. Le montage et la patine ont été réalisés dans les années 70 par la fonderie Susse ; le cachet « Jane Poupelet » insculpté date de cette période.
Il s’agit d’une des très rares fontes en circulation de cette œuvre emblématique de Jane Poupelet.
[1] D’après les « archives Jane Poupelet » restituées par Anne Rivière.
[2] Paul Vitry, « Les Salons de 1923 », Art et Décoration, T. XLIV, juillet 1923, p. 20.
[3] Jane Poupelet adhère en 1908 à l’American Women’s Club et au Club des Unes internationales ; en 1909 au Women’s International Art Club ; en 1912 à l’Association of Women Painters and Sculptors.
[4] Les Quelques sont un groupe de femmes artistes féministes qui expose dans diverses galeries et à plusieurs reprises.
[5] Cette pratique massivement utilisée par Auguste Rodin consiste en la « composition d’une nouvelle œuvre sculptée en réutilisant partiellement ou totalement des œuvres déjà exécutées. Le sculpteur fragmente ses propres œuvres et les réintroduit dans une œuvre nouvelle. », in Sculpture, méthode et vocabulaire, éditions du patrimoine, 2000, p.549.
[6] Les sculpteurs de la Bande à Schnegg : Charles Despiau (1874-1946), François Pompon (1855-1933), Jane Poupelet (1878-1951), Lucien (1864-1909) et Gaston (1866-1953) Schnegg, Robert Wlérick (1882-1944) … ont travaillé dans ou autour de l’atelier d’Auguste Rodin et ont assimilé ses principes fondamentaux : le contact avec la nature et l’agencement rigoureux des plans. Ils se détachent néanmoins de l’art exalté du maître par leur volonté d’atteindre un idéal de calme, de sérénité et de dépouillement. La critique baptise ces sculpteurs réunis autour de Rodin : la Bande à Schnegg, du nom de son « meneur » Lucien Schnegg.
[7] 2005 RIVIERE, n°270.
[8] Archives Anne Rivière.
[9] Archives Anne Rivière.
[10] 2005 RIVIERE, n°200.
[11] Inv. PHAL.1938.331.1