Jane Poupelet
Femme assise 1913-1922
Épreuve en bronze, sans numérotation
Fonte au sable, fondeur inconnu, 1922
Patine brun foncé à reflets verts
Signé (sur le socle à droite) : J. Poupelet
58 x 25,5 x 31 cm
Provenance
- États-Unis, collection Acheson
- France, collection particulière
Bibliographie
- 1913 ARTICLE : Guillemot, Maurice, « Jane Poupelet », Art et Décoration, 1913, p.51-56, repr. (plâtre, modèle complet, 2e état).
- 1922 ARTICLE : Vitry, Paul, « La Sculpture aux Salons », Art et Décoration, 1922, n°1456, p.175, repr. (un exemplaire en bronze).
- 1922 CATALOGUE : Salon de 1922, Catalogue du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, n°1456.
- 1926 ARTICLE : Kahn, Gustave, « Jane Poupelet », L’Art et les Artistes, 1926, p.81, repr. (un exemplaire en bronze)[1].
- 1927 ARTICLE : Kunstler, Charles, « Jane Poupelet », L’Amour de l’Art, septembre 1927, n°9, p.321-327, repr. p.322-323 (exemplaire du musée de Brooklyn).
- 1927 ARTICLE : A.B.C Magazine d’Art, octobre 1927, n°34, repr. (exemplaire en bronze du musée de Brooklyn)
- 1928 EXPOSITION : Jane Poupelet Dessins et Sculptures, Paris, Galerie Bernier (24 janvier-11 février), Girard Binino, Paris, 1928.
- 1928 MARTINIE : Martinie, A-H, La Sculpture, coll. L’Art français depuis vingt ans, les Éditions Rieder, Paris, 1928, repr. pl. XV (exemplaire en bronze exposé au Salon de la SNBA en 1922).
- 1930 KUNSTLER : Charles Kunstler, Jane Poupelet, Paris, Éditions G. Crès & Cie, 1930, repr., n°6 (exemplaire du musée de Brooklyn).
- 1937 EXPOSITION : Les maîtres de l’art indépendant 1895-1937, Petit Palais, juin-octobre, Paris, Éd. Arts et métiers graphiques, 1937, p.84, non repr. (Femme assise en bronze exposée, salle 21, n°4).
- 1973 WAPLER : Vincent-Fabian Wapler, Jane Poupelet sculpteur 1878-1932, mémoire de maîtrise présenté sous la direction de Monsieur Souchal Professeur d’histoire de l’art en mai 1973, faculté des lettres et sciences humaines de Lille III, n°52, p. 192-196.
- 2005 RIVIÈRE : Anne Rivière, « Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité » », in Jane Poupelet (1874-1932), catalogue d’exposition, Roubaix, La Piscine – musée d’art et industrie André Diligent (15 octobre 2005– 15 janvier 2006) ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts (24 février – 4 juin 2006) ; Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick (24 juin – 2 octobre 2006), Paris, Éditions Gallimard, 2005, n°76, p.98, repr. (L’exemplaire de la Femme assise ici décrit).
Sélection d’expositions de la Femme assise
- 1922, Paris, Société Nationale des Beaux-Arts, n°1456[2]
- 1937, Paris, Petit Palais, juin-octobre, Les maîtres de l’art indépendant 1895-1937, salle 21, n°4 (une Femme assise)
- 1938, Paris, Galerie Bernier, du 6 au 24 mai, Jane Poupelet sculpteur (une Femme assise)
- 2005, Roubaix, La Piscine – musée d’art et industrie André Diligent, 15 octobre 2005– 15 janvier 2006, ; Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 24 février – 4 juin 2006 ; Mont-de-Marsan, musée Despiau-Wlérick, 24 juin – 2 octobre 2006, Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité », n°76 (une Femme assise)
« Les plans et les volumes de ses nus obéissent à ses calculs et rejettent tout impressionnisme ; ainsi elle réalise de beaux rythmes disciplinés »[3]
En 1913, année où elle crée le modèle Femme assise, Jane Poupelet est une artiste reconnue et appréciée : elle est sociétaire du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts et membre active des réseaux féministes français et américains[4] ; elle expose avec Les Quelques [5], à la Galerie Georges Petit avec Rodin ; est appelée par le groupe Manès à participer à L’Exposition de la Jeune Sculpture française à Prague et Vienne. Présentant régulièrement ses oeuvres dans diverses galeries, elle est bien introduite dans les réseaux de diffusion de l’art aux Etats-Unis : le Metropolitan Museum of Art de New York acquiert sa Femme à la toilette (inv 13.192).
Femme assise apparait dans la suite de nombreux modèles féminins sculptés depuis 1907 par Jane Poupelet dont les fameuses Femme à la toilette (1907), Femme se mirant dans l’eau (1909), Devant la vague (1909) et Baigneuse au bord de l’eau (1911).
Ces modèles féminins représentent des figures entières mais déjà, la sculptrice utilise le marcottage[6] et récupère les têtes pour en faire des sculptures indépendantes : ainsi l’Autoportrait (1907) est la tête de la Femme à la toilette et les Têtes en plâtre et terre cuite de la Femme se mirant dans l’eau, sont présentées sur de petits socles.
Notre modèle de Femme assise est sans tête ni bras. Il provient d’un modèle complet, dont le catalogue raisonné établi par Vincent Wapler décrit 2 états en plâtre tous deux disparus[7] : l’un avec le pied droit levé et l’autre avec le pied droit sur le socle[8]. Le processus de travail de Jane Poupelet est connu : elle dessine un premier croquis de la pause puis se lance rapidement dans une maquette modelée. Elle la moule en plâtre et retravaille le plâtre puis crée d’autres moulages donnant lieu à différents états pour un modèle. Ainsi, entre la création du modèle complet en 1913 et le modèle sans tête ni bras, plusieurs années passent comprenant celles de la guerre. La version qui nous intéresse ici date vraisemblablement de 1921-1922.
Puis, un modèle de 1924 reprend la Femme assise en version complète mais les jambes sont croisées et le bras gauche attrape le bras droit sur lequel s’appuie la tête : il s’agit de Méditation[9].
C’est donc acéphale et les bras asymétriquement tronqués (le bras gauche est coupé sous l’épaule tandis que le bras droit est coupé au poignet) que Jane Poupelet décide d’éditer en bronze la Femme assise. Le modèle définitif est le modèle incomplet. Ce choix est fréquent chez l’artiste qui a déjà créé au moins une figure sculptée sans tête en 1908[10] et qui le réaffirme après la guerre avec l’audacieuse et puissante Imploration (1923) exposée au musée de La Piscine à Roubaix : figure assise aux bras levés et joints au-dessus d’une tête absente !
Dans le versant dessiné de l’œuvre, que ce soit pour les représentations d’animaux ou de femmes, les têtes sont très fréquemment tronquées, souvent par le bord de la feuille : la tête est hors sujet… ou autrement dit, le corps parle de lui-même. C’est le cas avec Nu féminin assis à l’encre brune (Galerie Malaquais), un dessin qui peut être vu comme préparatoire à la sculpture Femme assise[11].
Dans Femme assise, la composition est sobre, les lignes nettes et régulières, les proportions parfaitement harmonieuses, les plans simples et fluides. Cet ensemble épuré et hiératique associé à une belle patine sombre et un socle géométrique laissent transparaitre nettement l’influence de l’Art Égyptien et plus précisément des figures assises de la Basse époque dont le musée du Louvre conserve quelques exemples (exemple 1 ; exemple 2). « Par la beauté de ses proportions et la majesté de son style, La Femme assise, aux bras coupés peut être comparée aux statues de l’époque saïte. Des divinités de l’ancienne Égypte n’a-t-elle pas les purs contours, les larges plans lumineux, le rythme apaisé, la grâce mystérieuse, un peu sévère, et la simplicité ?... »[12]
Jane Poupelet puise aussi aux sources de l’art du pourtour méditerranéen. Ces références résultent notamment de sa formation auprès de Lucien Schnegg, chef de file de la Bande à Schnegg dont la sculptrice fait partie au tournant du siècle. Ce groupe rassemble des sculpteurs indépendants en rupture avec le style lyrique de Rodin, prônant un retour au calme antique.
Ici, idéalisation et beauté des proportions n’excluent pas un certain réalisme empreint de sensualité : on remarque les tendres bourrelets sur le ventre, la pression du bras replié sur le sein, la texture discrète du pubis. S’il est une vision de la femme éternelle, ce modèle nous met aussi subtilement en présence de la femme moderne et sportive du début du XXe siècle, une femme qui affirme sa féminité à l’image de la sculptrice, très engagée dans les mouvements féministes français et américains.
Femme assise en bronze est exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1922. Jane Poupelet avait déjà présenté le modèle (mais il s’agissait vraisemblablement de la figure complète en plâtre) aux Etats-Unis en 1915 lors d’une exposition de l’Association of Women Painters and Sculptors à la Anderson Gallery à New York.
En 1921, le Brooklyn Museum acquiert un exemplaire de Femme assise.
En l’état actuel de nos connaissances, quatre épreuves de Femme assise sont connues. Le catalogue raisonné de Vincent Wapler en répertorie trois épreuves en bronze :
- celle de la collection André Moulinié (neveu de l’artiste), toujours dans la famille de l’artiste aujourd’hui ;
- celle du musée de Brooklyn inv n°21.245 (provenance : 1921, Ella C. Woodward Memorial Fund) ;
- celle de la collection Acheson, USA (1925), qui rejoint une collection particulière française en 1992. C’est cette épreuve que nous présentons ici.
S’ajoute un exemplaire conservé au Musée national des beaux-arts d’Alger[13].
Le fondeur de l’œuvre demeure inconnu mais l’artiste est présente à toutes les étapes de la réalisation du bronze : elle moule, cisèle et patine elle-même, comme le précise d’ailleurs le descriptif de l’œuvre dans le catalogue du Salon[14]. Cette exigence lui prend forcément beaucoup de temps et d’énergie. Compte tenu de son faible état de santé il est très probable qu’aucun ou très peu d’autres bronzes de la Femme assise aient été fondus.
[1] Remarque : la légende de la photo indique qu’il s’agit d’une pierre mais il s’agit certainement d’une erreur.
[2] Selon 2005 RIVIÈRE, p.98, n°76.
[3] 1928 MARTINIE, p.83.
[4] Jane Poupelet adhère en 1908 à l’American Women’s Club et au Club des Unes internationales ; en 1909 au Women’s International Art Club ; en 1912 à l’Association of Women Painters and Sculptors.
[5] Les Quelques sont un groupe de femmes artistes féministes qui expose dans diverses galeries et à plusieurs reprises.
[6] Cette pratique massivement utilisée par Auguste Rodin consiste en la « composition d’une nouvelle œuvre sculptée en réutilisant partiellement ou totalement des œuvres déjà exécutées. Le sculpteur fragmente ses propres œuvres et les réintroduit dans une œuvre nouvelle. », in Sculpture, méthode et vocabulaire, éditions du patrimoine, 2000, p.549.
[7] 1973 WAPLER, p.193.
[8] Reproduit in 1913 ARTICLE, p.53.
[9] 2005 RIVIÈRE, n°87-88, p.100.
[10] 2005 RIVIÈRE : Nu acéphale, en appui sur un socle, genou gauche levé, plâtre, H. 42 cm, n°48.
[11] Ou de Nu assis les bras levés, étude probable pour l’Imploration, conservée au Musée National d’Art Moderne : AM1202D.
[12] 1930 KUNSTLER, p.12.
[13] Cent chefs-d’œuvre du Musée national des beaux-arts d’Alger, Arts et Métiers Graphiques, Paris, 1951, n°97, repr.
[14] 1922 CATALOGUE, n°1456 « Torse de femme (bronze ciselé et patiné par l’auteur) ». Deux autres mentions sont à retenir :
-In 1926 KAHN, p.82 : « Elle est son propre mouleur, son propre ciseleur. Elle crée elle-même ses patines. Seul le fondeur est appelé à fournir son indispensable concours. »
-In 1927 KUNSTLER, p.321 : « Je cisèle moi-même mes bronzes. Si bien fondus qu’ils soient, il faut les retoucher et si habile que soit ce dernier, il déforme, il dénature toujours l’œuvre originale ».