Georges Dorignac

Débardeur 1913

Pierre noire, lavis noir et jaune doré
Signé et daté : georges dorignac 1913
47,5 x 38 cm

Provenance

  • Paris, atelier de l’artiste
  • Par descendance

Bibliographie

  • 2016 PARIS : Georges Dorignac, dessins rouges et noirs, catalogue d’exposition, Galerie Malaquais, Paris, 31 mars – 21 mai 2016, repr. p.49 n°37.
  • 2016 MANSENCAL : Mansencal, Marie-Claire, Georges Dorignac, le maître des figures noires, Le Passage, Paris, 2016, repr. p.53 cat. D84
  • 2016 ROUBAIX-BORDEAUX : Georges Dorignac (1879-1925), le trait sculpté, catalogue d’exposition, Roubaix, La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent, 19 novembre 2016 – 5 mars 2017, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 18 mai – 17 septembre 2017, repr. p.140 n°44.
  • 2019 PARIS : Dorignac, corps & âmes, catalogue d’exposition, Paris, musée de Montmartre, jardins Renoir, 15 mars – 8 septembre 2019.

Expositions 

  • 2016 PARIS : Georges Dorignac, dessins rouges et noirs, Galerie Malaquais, Paris, 31 mars – 21 mai 2016, n°37.
  • 2016-2017 ROUBAIX-BORDEAUX : Georges Dorignac (1879-1925), le trait sculpté, Roubaix, La Piscine – musée d’art et d’industrie André Diligent, 19 novembre 2016 – 5 mars 2017, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 18 mai – 17 septembre 2017, n°44.
L’expressivité outrée et la plasticité prégnante de Débardeur manifestent le dessin novateur de Georges Dorignac. Car c’est dans le dessin que Dorignac excelle et exprime sa liberté créative. Sa production la plus marquante est bien celle des grandes feuilles noires et rouges des années 1911 à 1914. [1] L’artiste est alors établi à La Ruche à Montparnasse avec sa famille. Il crée, dans une matière dense, épaisse, monochrome, des formes puissantes et ramassées qui emplissent l’espace de la feuille. Les contrastes sont violents, les formes, expressives. Faisant jouer la lumière par les réserves du papier et l’épaisseur de la matière noire, Dorignac « modèle » sur la surface du papier. L’intelligence du volume dont il fait preuve fait dire à Paul Fierens : « On s’étonne que Dorignac n’ait point tenté la sculpture ».[2]
 
Mais déjà critiques et artistes avaient exprimé l’aspect « sculptural » de ces dessins : « Dorignac sculpte ses dessins (…) », dit Rodin[3] ; « Je l’imagine hésitant mais tenté par la sculpture. », affirme André Salmon[4] ; « (…) études de têtes, études de nus, extraordinairement intenses d’expression et comme sculptées dans la matière noire. »[5], écrit Jean-Gabriel Lemoine ; tandis qu’un anonyme, visitant une exposition à la galerie Marcel Bernheim en 1928, dit des dessins de Dorignac, qu’ils « sont construits et modelés avec une telle science des volumes, qu’on les dirait sculptés dans un bloc de précieuse matière noire. »[6]
 
Dans Débardeur, cette matière noire évoque les jeux de lumière sur la patine sombre d’un bronze.
 
Dorignac affectionne les sujets réalistes, tirés des tâches quotidiennes que les travailleurs accomplissent. Il réalise, à cette période, des dizaines de dessins capturant le geste des hommes et femmes au travail, qu’ils soient paysans, haleurs, mineurs etc… Il s’intéresse à maintes reprises à la figure du débardeur, aujourd’hui communément appelé docker. Cet ouvrier portuaire procède au débardage, c’est-à-dire qu’il décharge à quai toutes sortes de marchandises. Ici, c’est une tête qui à elle seule exprime toute la rudesse du métier. Représentée en gros plan, occupant tout l’espace de cette feuille aux dimensions conséquentes, la présence est saisissante.
 
Le visage encapuchonné, comme pris dans un linceul, et son expression impassible, rendus par un tracé charbonneux et des traits épais, évoquent les portraits du Fayoum. Ces effigies de l’art archaïque de l’Égypte romaine (Ier-IIIe siècles) sont les portraits peints les plus anciens jamais découverts. Ils étaient peints sur des panneaux de bois après une esquisse préalable en rouge ou noir ! Un parallèle intéressant car les grands dessins de Dorignac de cette période sont monochromes rouges, quand ils sont à la sanguine, ou noirs, comme ici.
 
Mais aussi, les contrastes forts - résultat de l’utilisation d’une technique mixte qui allie certainement de la pierre noire et peut-être de la pierre lithographique, plus grasse, avec un fond de lavis jaune doré - les traits épais, contribuent à un rendu expressionniste et en font une figure de la douleur. La parenté semble évidente avec l’art de Soutine qu’il rencontre à la Ruche et dont il réalise le portrait, dans ce même style.
 
A l’instar des autres puissants dessins noirs de Dorignac, Débardeur ne peut qu’interpeller et fasciner celui que le regarde par sa présence plastique et physique.
 
Certains des grands dessins rouges et noirs de Dorignac sont conservés dans des collections publiques françaises et notamment au centre Pompidou- musée national d’art moderne et au musée des beaux-arts de Bordeaux, mais cet ensemble ne comprend aucun portrait dessiné. Il s’agit pourtant d’un thème particulièrement représentatif du corpus de ces extraordinaires dessins. L’artiste est en outre encore très rare dans les collections étrangères. Notons tout de même la présence d’un beau portrait de femme au fusain dans les collections de la Morgan Library de New York (inv. 2018.32).

[1] Ceci désigne la production caractéristique de ces années, de dessins monochromes, soit à la sanguine (rouges), soit à la pierre noire ou fusain (noirs).
[2] Paul Fierens en 1934, cité dans le Catalogue des dessins modernes du musée de Grenoble, éditions des musées nationaux, Palais du Louvre, Paris, 1963.
[3] Propos rapporté par Gaston Meunier du Houssoy dans son « Essai sur Dorignac », lettre à Jean-Gabriel Lemoine, du 16 novembre 1955 (archives du musée des Beaux-Arts de Bordeaux).
[4] André Salmon, « Le Salon d’automne », Montjoie, n°11 et 12, novembre-décembre 1913, pp.1-9.
[5] 1920, Lemoine.
[6] Anonyme, « Le carnet d’un curieux, Galerie Marcel Bernheim », La Renaissance, n°7, juillet 1928, pp .317-318.