Aristide Maillol
Tête du Printemps 1911-1912
Epreuve en bronze, n°3
Fonte à la cire perdue Claude Valsuani
Monogramme : M
H. 36,2 ; L. 20 ; P. 24,5 cm
Provenance
- Weyhe Gallery, New York
- Gertrude Denis, New York
- Façade Gallery, New York
- Collection particulière, Maryland (1986-2008)
- Collection particulière, France (2008-2015)
Bibliographie
- Cladel, Judith, Maillol, sa vie, son œuvre, ses idées, Bernard Grasset, 1937.
- Berger, Ursel, et Zutter, Jörg, Aristide Maillol, Berlin, Georg-Kolbe Museum, 14 janvier – 5 mai 1996, Lausanne, Musée des Beaux-Arts, 15 mai – 22 septembre 1996, Brême, Gerhard Marcks-Museum, 6 octobre 1996 – 13 janvier 1997, Manheim, Städtische Kunsthalle, 25 janvier – 31 mars 1997, Flammarion, Paris, 1996.
- Maillol, Kunsthal Rotterdam, 15 septembre 2012 – 10 février 2013, Tielt, Uitgeverij Lannoo, Paris, Musée Maillol, Kunsthal Rotterdam, 2012.
La Tête du Printemps est issue du Printemps, figure grandeur nature, en pied, que Maillol crée vers 1911 pour le grand collectionneur russe Ivan Morosov. Par l’intermédiaire de Maurice Denis, celui-ci commande au sculpteur quatre figures pour le salon de musique de son palais moscovite : Pomone, Eté, Flore et Printemps. Ce groupe est constitué de deux paires composées chacune d’une statue avec des fleurs, référence au printemps, et d’une autre, symbole de la maturité. Les quatre sculptures en bronze sont actuellement conservées au musée Pouchkine à Moscou.
Pour Maillol, « les quatre allégories symbolisent l’idée de jeunesse »[1]. Au Salon d’Automne de 1910, il avait présenté un plâtre intitulé Torse de jeune fille, Jeunesse[2], dans lequel on retrouve le port de tête, l’implantation de la chevelure et un profil, similaires à ceux de la Tête du Printemps.
Quant à la physionomie du visage de cette sculpture, on la retrouve dans d’autres sculptures et dans de nombreuses peintures : une chevelure dont les boucles et rouleaux encadrent le visage, des lèvres charnues, un nez prolongé par des arcades sourcilières fermement dessinés, un menton rond, des pommettes hautes. C’est un visage à la géométrie souple, solidement architecturé, aux traits synthétiques et à l’expression rieuse. Ces différentes caractéristiques rappellent celles du visage de la femme de l’artiste, Clotilde, dont il fait le buste en 1903-1905[3]. Par ailleurs, le visage légèrement relevé de la Tête du Printemps, avait déjà été expérimenté par Maillol vers 1908 avec le Portrait de Marthe Denis. Si cette Tête est bien représentative du style de Maillol, à l’inverse, la figure complète du Printemps présente un corps très mince, ce qui est relativement inhabituel dans le travail du sculpteur qui aime à représenter une femme en chair, aux formes pleines et trapues.
Lorsqu’il élabore une grande sculpture telle que Le Printemps, le sculpteur procède en plusieurs étapes : « il commence généralement par le torse, auquel il ajoute les bras et les jambes puis, la tête. »[4] Ainsi, au cours du processus de construction de ces grandes figures, la tête est à un moment donné, un élément indépendant. Une photographie de l’atelier de Maillol prise en 1932 par Brassaï[5] montre des têtes en plâtre dont les coupes verticales à la naissance du torse et des épaules - à l’instar de notre Tête du Printemps – composent traditionnellement le buste en Hermès[6]. Si les têtes appartenant à une figure complète n’ont été que rarement éditées indépendamment en bronze, celle du Printemps a, quant à elle, fait l’objet d’une édition. Une photographie d’Eugène Druet (1867-1916)[7], conservée dans les archives du musée d’Orsay montre la Tête du Printemps en bronze, ce qui atteste de son édition, du vivant de Maillol. Durant l’été 1911, le sculpteur présente des sculptures dans son jardin de Marly. Une photographie montre une tête présentée sur une colonne, en plein air[8], ce qui prouve que l’artiste assume pleinement ce parti-pris à cette période. Rainer Maria Rilke en relate l’effet : « Cette simple tête dans la verdure, éclairée par intermittence, s’offrait aux rayons caressants de l’astre. (…) Jamais je n’ai vu une sculpture s’imprégner autant de l’atmosphère, elle communiait avec les saisons, les arbres, les fleurs et les buissons. »[9]
La Weyhe Gallery[10], à New York, avec laquelle Maillol travaillait, conserve la trace dans ses archives d’au moins deux épreuves en bronze de la Tête du Printemps, numérotées 3 (la nôtre) et 4. La galerie a peut-être été en possession d’un plus grand nombre d’épreuves de cette édition à 10 exemplaires. D’après Ursel Berger, spécialiste de l’œuvre d’Aristide Maillol, tous les bronzes ayant appartenus à la Weyhe Gallery ont été achetés du vivant de Maillol à la fin des années 20. Un exemplaire sans numérotation est conservé au Wadsworth Atheneum Museum d’Hartford : il a été donné par Erhard Weyhe en décembre 1955.
[1] Cladel, 1937, p.85.
[2] Maillol, exposition en hommage du centenaire de sa naissance, 1861-1961, galerie Daber, Paris, 1961, n°10, Pl. XVI.
[3] Portrait de Clotilde Maillol, 1903-1905, terre cuite, H : 40 cm, Francfort-sur-le-Main, Städelsches Kunstinstitut.
[4] Berger, Zutter, 1996, p.50.
[5] Maillol, cat. expo. Rotterdam, 2012, p.17.
[6] Buste se terminant latéralement aux épaules par des plans verticaux ou obliques et formant à partir des clavicules ou du milieu de la poitrine une masse sensiblement parallélépipédique. Les bustes en hermès prennent appui sur le plan carré, ou rectangulaire, qui leur sert de base.
[7] Eugène Druet est le photographe officiel des sculptures de Rodin à partir de 1896.
[8] Photographie du comte Harry Kessler in Berger, Zutter, 1996, p.58.
[9] Cité in Berger, Zutter, 1996, p.59.
[10] La Weyhe Gallery ouvre ses portes en 1919 à New York City. Elle est spécialisées dans les éditions, notamment la gravure. Elle existe toujours aujourd’hui sous la forme d’une librairie.