Auguste Rodin

Femme-Pyjama 1898-1901

Graphite et aquarelle sur papier vélin
Non signé
H. 39,9 ; L.27 cm

Provenance

  • Ancienne collection Eugène Rehns[1]

Bibliographie

  • Judrin, Claudie, Inventaire des dessins du musée Rodin, tomes I à V et tome Expositions/Bibliographie/Index, éd. musée Rodin, 1992.
  • Rodin, Royal Academy of Arts, Londres, 23 septembre 2006 – 1 janvier 2007, Kunsthaus, Zurich, 9 février – 13 mai 2007.
  • Rodin, la lumière de l’Antique, sous la direction de Pascale Picard, Arles, musée départemental Arles antique, 6 avril – 1er septembre 2013, Paris, Musée Rodin, 19 novembre 2013 – 23 février 2014, Editions Gallimard, 2013.

 

Cette « femme-pyjama » fait partie d’une série exceptionnelle d’une quinzaine de dessins montrant une danseuse espagnole habillée d’un large pyjama noir ostensiblement ouvert jusqu’au sexe.

« Une partie de cette série fut exposée à Londres en 1901, aux Royal Institute Galleries lors d’une manifestation de la Pastel Society, à l’initiative de l’artiste anglaise Esther Sutro, qui nota dans une lettre : « les dessins sont faits d’après Camilos ». S’agit-il de « Mlle Camillot-Prévost » que Rodin nommait la « petite danseuse espagnole » et dont il avait inscrit les références dans l’un de ses carnets de modèles ? Le torse nu, considéré pour lui-même, est un des thèmes de prédilection de Rodin à la fin des années 1890, comme le montrent ses « femmes-vases ». L’ensemble des femmes-pyjama est spécial en ce qu’il représente un modèle unique dans des attitudes subtilement variées et parce que le torse est le point d’ancrage du regard. Tout en découvrant son corps, le modèle penche la tête tantôt à droite, tantôt à gauche, ouvre son pyjama tantôt de la main droite, tantôt de la main gauche, se déhanche en prenant appui tantôt sur la jambe droite, tantôt sur la jambe gauche, dans un mouvement d’ondulation. Le torse est le sujet de chaque dessin, le cerne noir que forme le pyjama ayant pour rôle de faire ressortir nettement le contour du buste en l’isolant. Rodin a délibérément présenté ces dessins comme une série, manifestant par là que c’est le corps fragmenté qui l’intéressait, mis en valeur par la lecture à distance qu’impose l’exposition d’une série. De loin, c’est en effet l’évolution des torses blancs qui frappe d’abord le regard. Dans certains dessins, les mains et les pieds surgissent aussi comme isolés du corps, semblables à des « abattis » greffés, également inspirés de groupes sculptés antiques fragmentaires »[2].

Ici, le modèle prend à peu près la même attitude qu’une autre « femme-pyjama » dans un dessin conservé au musée Rodin (D.4582), mais le traitement du vêtement s’en distingue par les beaux effets de marbrure.

                                                                                              Christina Buley-Uribe

 

 

Sur l’exposition de la série des « Femmes-Pyjama » à Londres en 1901 :

Esther Sutro, membre de la Pastel Society, choisit un ensemble de 13 aquarelles, un dessin au graphite et une reproduction d’un torse de femme d’Auguste Rodin en vue de l’exposition qui se tient aux « Galleries of the Royal Institute of Painters » à Piccadilly à Londres en juin 1901.

D’après le catalogue de l’exposition de la Pastel Society, cinq dessins d’Auguste Rodin ont été exposés sous les numéros 208 à 212 mais aucune archive ne nous permet de savoir desquels il s’agit.

En revanche, la correspondance de mai 1901 entre Esther Sutro et Auguste Rodin, comporte une liste de prix, accompagnée de photographies pour les 13 aquarelles sélectionnées[3]. Parmi les 13 aquarelles, seulement une n’est pas une « Femme-Pyjama ».

Les archives concernant l’exposition de Londres en 1901 permettent donc d’établir l’existence de 12 aquarelles de la série :

  • 7 sont conservées au Musée Rodin[4]
  • 1 est conservée au Maryhill Museum of Art, Goldendale, WA, Etats-Unis
  • 1 est conservée au Musée de Weimar, Allemagne[5]
  • 3 dont la localisation est inconnue.

A cet ensemble, s’ajoute 2 autres aquarelles :

  • 1 est conservée en collection particulière[6]
  • 1 ici décrite

En l’état des connaissances actuelles, il existe donc 14 « Femmes-pyjama » aquarellées ; et deux dessins à la mine de plomb et estompe conservés au Musée Rodin[7] sont rattachés à la série.

Enfin une série de cinq dessins à la mine de plomb et estompe, plus anciens, également conservés au Musée Rodin, peut être rapprochée de l’ensemble des « Femmes-Pyjama »[8].


[1] Eugène Rehns est un grand collectionneur de Rodin. Ayant fait fortune dans l’industrie du parfum, il acquiert de nombreuses sculptures parmi lesquelles Fugit Amor, L’Eternel printemps, la Voix intérieure. Lors de ses visites à Meudon, il apprend à connaître le maître et à comprendre la place essentielle qu’occupe le dessin dans son processus créateur. Il acquiert, auprès des marchands Georges Petit, Devambez ou Clovis Sagot, des dessins de l’artiste, dont cette Femme-Pyjama.

[2] Christina Buley-Uribe, Extrait du catalogue de l’exposition Rodin. La lumière de l’antique, Arles, musée départemental Arles antique, Gallimard, 2013, p. 249.

[3] Une photographie conservée au musée Rodin (Ph.7741) montre un lot de dessins, dont quelques Femmes-pyjama en départ pour une exposition.

[4] Inv. D.4582 /D4673 /D.4678 /D.4682 /D.5029 /D.7200 /D.7707.

[5] Inv. KK1264.

[6] Reproduite dans le catalogue Rodin, la lumière de l’Antique, p.249, n°163.

[7] Inv. D.3098 et D.7176.

[8] Inv. D.1450 / D.2673 / D.2684 / D.2760 / D.2929.